Treize ans. Aujourd’hui, ca fait treize ans. J’aimerais trouver de belles phrases, entrelacer les mots et les voir devenir un peu ce que j’aurais voulu te dire. Mais pour être honnête, je ne sais pas vraiment ce qui ressortira de notre rendez-vous annuel. Je ne sais pas trop, si j’ai mal ou si je ne ressens plus cette peine qui m’a serré le cœur si longtemps. C’est vrai, c’est moins douloureux. Il semblerait bien que la douleur se fasse discrète, autant que les traits de ton visage me deviennent de plus en plus flou. J’aimerais retenir tout ca, ne pas laisser mes impressions et mes sourires de l’époque se perdre dans le cours de cette vie que je construis sans toi. Et je me souviens, moins bien, mais toujours. Je me souviens mais je ne pleure presque plus. C’est heureux, tu ne crois pas ?  Je n’ai pas parlé de toi depuis longtemps. A bien y réfléchir, je ne parle presque jamais de toi, si ce n’est pour tenter de rappeler aux autres ce que le suicide d’un être cher provoque pour ceux qui restent. Je ne parle pas de Gaétan. Je parle de mon meilleur ami. Mais au fond, je me demande aujourd’hui ce que nous étions vraiment l’un pour l’autre. Je suis restée, je resterai encore longtemps avant que ton regard ne croise le mien. Tu en aurais peut-être des choses à me reprocher, je n’en sais rien. Je ne sais pas tout à fait ce que j’aurais à te dire. Je ne sais pas si on peut fermer un livre comme celui-là. Je ne sais pas si la source de cette douleur qui a coulé sans discontinuer de ma poitrine depuis treize ans commence à se tarir, asséchant cette part de mon cœur qui ne s’est jamais vraiment remise de ton départ. Je ne sais pas si cette sensation de devoir t’écrire pour garder cet espèce de lien entre nous perdurera encore jusqu’à l’an prochain. Aujourd’hui j’en suis la tu vois, je ne sais plus. Je ne sais pas si tu me manques, ou si c’est cette image un peu idéale de toi que j’ai gardé qui me manque. Je ne sais pas ce que j’attends de ces sentiments, de mon égoïsme, de ma honte et du reste. J’ai grandi, peut-être bien que ca vient de la cette impression qu’enfin, je t’ai moi aussi laissé sur le chemin, loin derrière. Qu’un coin de ciel bleu orage brille toujours quand je me retourne, mais qu’il ne me retient plus. Je vais mieux. Et ce chemin est loin d’être fini. Je te retrouverai un jour, vieille, fripée, encore un peu plus bizarre, et ce jour-là, je verrai bien ce que nous aurons à nous dire. L’important après tout, c’est que je me souvienne de ce jour où toi et moi nous étions seuls, dans un couloir, loin du temps, du monde et du reste. Ce moment-là, tes mains dans les miennes, ton souffle dans mon cou et tes bras autour de moi, il n’appartient qu’à nous. Et rien, ni toi, ni le temps, ne pourra me le prendre un jour.