J’ai 6 ans. C’est la rentrée. Et j’angoisse. J’angoisse fort. Des regards, des jugements. Parce que je sais que je vais encore cette année être cette gamine seule dans un coin de la cour de récré, à chanter toute seule pour oublier sa solitude. A être mise à l’écart. Trop bizarre, trop décalée, trop gentille, avec les dents écartées, des habits pas à la mode. Une gamine incapable de comprendre les codes sociaux qu’il faut appliquer pour s’intégrer. Et je le sais, ce sera comme ça cette année, celle d’après, et celles qui suivront aussi.
J’ai grandi. J’ai appris. J’ai pas changé. Je meurs toujours de trouille à l’idée de parler aux gens. De devoir m’intégrer. J’ai peur en permanence en vrai. Peur de ne pas être comme il faut, de faire des fautes, de ne pas réussir à m’intégrer aux groupes de personnes que je côtoie. De louper les accords sociaux tacites que je ne vois jamais passer. Alors j’ai appris à faire semblant. Et je le fais bien.
Les gens sont persuadés que je suis sûre de moi, que j’ai confiance en moi, que je suis hyper à l’aise en société, que je suis forte comme un roc et que je peux tout encaisser et tout gérer. Ils me le disent, et moi et la petite fille fragile à la timidité maladive que je suis toujours restée, on se fait un petit check discret entre deux neurones. Je fais semblant, chaque jour. Je me bats. Et je gagne petit à petit.
Mais je n’ai plus peur d’être seule. J’ai le droit d’être moi avec ces gens qui m’aiment et qui sont aussi bizarres que moi. Le droit de laisser parler mon humour à deux balles, de pleurer quand je suis malheureuse, de geindre pour rien parfois, de faire des références à des trucs que personne en dehors d’eux ne comprend, de faire la folle, d’être moi. Alors ca va. Et qui sait, peut être même qu’un jour, je n’aurais plus peur.