Je suis excentrique. J’ai eu la chance de pouvoir être ce que je suis pleinement pendant des années. Parce que mes parents sont tolérants, qu’ils avaient bien compris que leur fille n’avait pas envie de rentrer dans le moule. Je ne me sentais pas à ma place parmi les gens, coincée entre des codes sociaux superflus et stupides à mes yeux. Alors je n’avais pas envie d’entrer dans ce moule social et « convenable ». Me laisser être moi a été l’un des plus cadeau qu’ils ont pu me faire.

Outre mon envie de ne pas rentrer dans le moule, mon style vestimentaire, mon maquillage et mes cheveux ont été un bouclier très efficace contre les personnes chargées de préjugées et promptes à juger quelqu’un sur un style. Seulement voilà, un jour, j’ai grandi et j’ai dû trouver un travail.

Et dans le monde du travail, le délit de sale gueule est courant, quoi qu’on en dise. Alors, comme je voulais quand même trouver un boulot, j’ai lissé mon image. Je me maquille toujours mais plus aucune arabesque n’orne mes joues. Je m’habille toujours avec mes fringues les plus soft, mais ca fait des lustres qu’un corset n’a pas toucher ma peau, que mes pantalons ne tintent plus au son des chaînes, que mes bracelets de force se reposent bien sagement au fond de mes tiroirs, que mes new rock prennent la poussière dans mes placards. Je coiffe mes chevaux bruns, ca fait longtemps qu’ils ne sont plus rouge vif/violet/noir ou un mélange des trois. Bref, j’suis dans le moule. Bravo.

Il n’y a pas si longtemps, des gens qui ne me connaissent que depuis peu ont été fort choqués quand ils ont su qu’avant j’étais une de ces dépravés/dépressifs/gothiques/bizarres. « Oh ben on n’aurait pas dit ! ». Je sais. Surement ai-je l’air un peu trop épanouie et ai-je un peu trop réussi ma vie pour qu’on puisse s’imaginer que la jeune diplômée ayant fini en tête de sa promo faisait partie de ces gens étranges qu’on évite quand on veut avoir des « fréquentations fréquentables ».

Ben ouais, parce que ce jour-là j’ai appris aussi que si t’es gothique c’est FORCEMENT que t’es : dépressif/isolé socialement voir psychotique. Mais promis les gens, j’étais EXACTEMENT la même et je le suis toujours, j’ai juste mis un mignon/moche masque sur mes gouts histoire de passer socialement dans vos petits esprits si étriqués, et comme je n’ai pas moyen de me faire une garde-robe juste pour le week end il ne me reste plus grand-chose en terme de fringues que j’adore vraiment. Et tout va bien non ?

Non, en vrai, j’étouffe. J’étouffe vraiment. J’vais pas dire que les remarques de certains dans la rue me manquent, c’est pas vrai. J’m’en fous en fait. Ce qui me manque, c’est de m’aimer un peu. Parce que ce style que j’avais, c’était pas seulement comme on me l’a dit souvent un truc pour « se faire remarquer », « pour qu’on me regarde » ou je ne sais quoi encore. Ce style c’est juste ce que moi j’aime, la traduction de ce que je ressens vis-à-vis de moi et des autres. J’ai horreur de la pensée formatée, des cadres et des codes sociaux imposés parce que de toute façon, j’arrive pas à les appliquer. Je me sens différente (pas supérieure, pas mieux, pas moins bien, juste différente), il me paraît assez logique à partir de la que ma caboche ait transposé ca et que mes fringues le soient aussi. J’aime le noir et les couleurs foncées parce que je trouve ca classe et que je trouve que ces couleurs me vont bien, pas parce que je suis dépressive et que je veux m’habiller avec la « couleur du deuil » (d’ailleurs, plus con que ca j’ai jamais vu, le noir c’est pas réservé aux cimetières et aux larmes hein). J’aime pas mettre de rose parce que dans ma tête c’est forcément lié à ce vieux truc de macho stupide « mec = bleu, fille = rose ». Je suis tatouée pour moi (si promis, le temps avant que les gens ne se rendent compte que je suis tatouée, c’est long souvent), pas pour les autres. Et j’accroche des licornes en peluche dans ma voiture parce que je trouve ca trop chouette.

 

J’ai 27 ans. Bientôt 28. Et merde à la fin, c’est pas parce que je prends de l’âge (ok j’suis pas encore bonne à enterrer) que j’ai pas le droit de continuer à m’habiller comme j’aime m’habiller ou me maquiller comme bon me semble. Alors j’me réveille après près de deux ans de « correctitude ». J’ai pas changé dedans. Il est temps que l’extérieur rattrape l’intérieur. Parce que de toute façon, c’est pas étant socialement correcte en terme d’apparence que ca a changé quoi que ce soit à mon ressenti les 90% du temps quand je suis en société.